Pathologie Tumorale
L’IRM est l’examen de référence dans l’exploration de la pathologie tumorale vertébro-médullaire, aussi bien pour les diagnostics positif et différentiel, que pour la planification du geste chirurgical. Elle permet d’explorer de façon totalement non agressive la moelle spinale pour préciser la topographie exacte et caractériser les lésions [169].Grâce à sa haute résolution en contraste et son étude multi-planaire, elle représente l’examen de première intention devant toute suspicion clinique de myélopathie [170], d’installation aigüe, supaigüe ou chronique chez l’adulte ou l’enfant.
I) Techniques
La technique de choix reste les séquences d’acquisition en FSE [171], en effet :- Les séquences pondérées en T1 donnent une excellente image morphologique de la moelle, du rachis, et des parties molles péri rachidiennes.
- Les séquences pondérées en T2 sont plus sensibles aux anomalies de signal de la moelle que les séquences T1 et peuvent donnent un effet myélographique grâce à l’hypersignal du LCR.
Elle permet de délimiter la portion charnue (notamment en présence d’un kyste), d’apprécier le caractère centré ou excentré de la tumeur, et ainsi d’approcher la nature histologique de la lésion. [169] [171] [172]
II) Tumeurs intra-canalaires intra-médullaires
A) Généralités
Un processus expansif intra-médullaire se traduit en IRM par un élargissement progressif de la moelle épinière dans tous ses diamètres, entraînant ainsi un amincissement, puis une disparition des espaces sous arachnoïdiens péri-médullaires.La lésion étant en général étendue sur plusieurs segments, elle se présente en hyposignal T1, en hypersignal T2.
Ces tumeurs sont très souvent associées à des kystes intra-médullaires sus- et sous-jacents. Les portions kystiques peuvent être tumorales, et leurs parois prennent alors le contraste (Gadolinium), ou simplement satellites (pas de prise de contraste). [173] [174]
B) Aspect en IRM
1) Épendymomes (
Figure 54
,Figure 55
)- En séquences pondérées T1, la tumeur présente un iso ou hyposignal.
- En séquences pondérées T2, la tumeur est mal limitée, irrégulière, souvent en hypersignal. La présence d’une forte hypo-intensité polaire appelée « signe de la coiffe » témoigne de l’existence d’une éventuelle hémorragie, visible en T2*.
La prise de contraste est focale, intense et centrée. Le contraste peut également révéler des localisations secondaires sous- arachnoïdiennes d’essaimage.
Au regard de la localisation centrale des épendymomes au sein de la moelle, une syringomyélie ou des kystes réactionnels sont fréquemment observés [175].
2) Astrocytomes (
Figure 56
,Figure 57
)Leur aspect plus infiltrant, sans limite nette, et leur localisation latéro-médullaire permet aussi de les différencier.
La dégénérescence kystique et hémorragique peut également être aperçue jusqu’à 50% des cas. Par contre, le signe de la coiffe est exceptionnel. [175] [176]
3) Hémangiomes
- En séquences pondérées T1, la tumeur présente un iso-signal.
- En séquences pondérées T2, la tumeur présente un hypersignal. Il s’y associe parfois un hypersignal du cône médullaire correspondant à un œdème ou une stase veineuse.
La prise de contraste est intense et homogène, pouvant correspondre à un œdème associé ou plutôt à une stase veineuse [177].
4) Lipomes
Les lésions apparaissent en hypersignal (signal graisseux) aussi bien en séquences T1 que T2, sans injection de gadolinium. Elles ont un aspect bien délimité [178].5) Cavernomes (
Figure 58
)- En séquences pondérées T1, la lésion est en iso-signal [179] avec des zones en hypersignal [180].
- En séquences pondérées T2, les cavernomes ont une présentation typique avec un aspect en damier : la lésion est bien délimitée, hétérogène avec des plages hypo- intenses (dépôts d’hémosidérine) contrastant avec des plaques en hypersignal [180] .
Ici, la prise de contraste est absente.
L’IRM peut mettre en évidence la présence d’un saignement en hypersignal T1 et T2.
La présence d’un œdème autour de la lésion ou d’un effet de masse, est rare, sauf lorsque l’hémorragie est survenue récemment [181].
6) Gangliogliomes
- En séquences pondérées T1, la tumeur est en hyposignal ou en signal mixte.
- En séquences pondérées T2, la tumeur est en hypersignal homogène ou hétérogène.
Les épendymomes et les astrocytomes partagent de nombreux signes radiologiques similaires aux gangliogliomes, y compris l’hypersignal en T2, la prise de contraste, les kystes tumoraux et l’œdème du cordon [183].
7) Lymphomes (
Figure 59
)8) Germinomes
- En séquences pondérées T1, les tumeurs germinales spinales apparaissent sous forme de masses en iso- ou hyposignal dans une moelle épinière hypertrophiée.
- En séquences pondérées T2, les germinomes prennent l’aspect de masses en hypo- ou hypersignal.
De nombreuses variations sont observées, les résultats IRM caractéristiques sont donc difficiles à définir dans le germinome rachidien primitif [186].
9) Mélanomes
- En séquences pondérées T1, la tumeur est habituellement en hypersignal.
- En séquences pondérées T2, les mélanomes apparaissent en iso ou hyposignal.
L'hémorragie intra-tumorale est fréquente et peut conduire à un diagnostic erroné d'angiome caverneux ou d'autres malformations vasculaires [185].
10) Kyste épidermoïde
Les kystes épidermoïdes sont généralement caractérisés sur les images IRM par une variabilité importante de l'intensité du signal entre les différents cas et, parfois, entre les différentes parties d'un même kyste.D'autres caractéristiques comprennent l'absence d'œdème dans les tissus environnants, des limites nettes et un rehaussement périphérique lors de l'injection de gadolinium.
De plus, les marges de ces lésions sont irrégulières, probablement en raison d'une réponse inflammatoire à la « fuite » du tissu squameux à travers la capsule et à une gliose variable le long de la marge. Cette caractéristique peut être utile pour différencier ces lésions des autres tumeurs intra-médullaires [187].
11) Neurocytomes
Des caractéristiques extrêmement variables à l'IRM rendent le diagnostic différentiel très difficile.Comme l'astrocytome, son signal peut aller de l'iso à l'hypo-intensité sur les images pondérées en T1 et de l'iso à l'hyper-intensité sur les images pondérées en T2, avec un rehaussement de contraste homogène ou hétérogène.
Des composants kystiques ou une hémorragie intra-tumorale peuvent être observés et une croissance exophytique peut s’y associer imitant un méningiome [188].
12) Métastases (
Figure 60
)Un hypersignal T2 associé à un iso-signal T1 correspond à l’aspect le plus fréquent [189].
III) Tumeurs intra-canalaires extra-médullaires
A) Généralités
Bien que la pathologie spinale extra-médullaire intra-durale varie considérablement, l'identification de tumeurs à cet endroit et leurs manifestations sur l’IRM facilitent grandement la réduction des considérations diagnostiques.Le méningiome et le schwannome sont les deux tumeurs extra-médullaires intra-durales les plus fréquentes et sont tous deux associés à la neuro-fibromatose [190].
B) Aspects en IRM
1) Méningiomes (
Figure 61
)- En séquences pondérées T1, les méningiomes présentent généralement un iso- ou un hyposignal.
- En séquences pondérées T2, la tumeur présente un léger hypersignal T2.
Un signe de « queue durale », faisant référence à la marge de rehaussement effilée, est noté dans environ 60 à 70 % cas (
Figure 62
).Ce signe est non spécifique, reflétant un tissu fibro-vasculaire réactif, et n'indique pas nécessairement une invasion durale par la tumeur.
Yamaguchi et al [24] ont rapporté une caractéristique IRM spécifique liée à une déformation en éventail de la moelle épinière à partir d'un méningiome spinal le long de sa marge latérale ou ventro-latérale.
À cause de sa ressemblance avec la feuille de l'arbre Ginkgo Biloba, avec sa lame en forme d'éventail, ce signe a été nommé le "signe de feuille de ginkgo » [190].
2) Schwannomes (
Figure 63
,Figure 64
)Topographiquement, les tumeurs des gaines nerveuses de la moelle épinière sont localisées dans la région cervicale supérieure (16 %), la moelle cervicale (31 %), la moelle thoracique (22 %), le cône médullaire (7 %) et la queue de cheval (24 %).
Ils apparaissent en iso ou hyposignal T1 et, en hypersignal T2 La prise de contraste varie d'un rehaussement homogène intense à un rehaussement hétérogène (si une composante kystique est présente). L'hémorragie ou la calcification n'est généralement pas présente.
Comme la dégénérescence kystique a tendance à se produire avec des schwannomes plus grands, une intensité de signal hétérogène et un rehaussement en forme d'anneau sont courants dans ce contexte.
Lorsque l'extension neuroforaminale est présente, la tumeur peut se manifester par une morphologie dite « en sablier » (
Figure 65
).Comme avec d'autres masses bénignes canalaires, lorsqu'elle entre en contact avec une marge osseuse, des effets d'érosion peuvent être observés mais, ne sont pas spécifique.
Lorsqu'elle est présente, une racine nerveuse adjacente renforcée épaissie devrait augmenter la suspicion de tumeur.
Un sous-type rare est le schwannome rachidien invasif géant. Il englobe plus de deux niveaux de corps vertébraux ; montre une érosion de la marge postérieure du corps vertébral, une invasion de la dure-mère et une extension dans l'espace extra-spinal. Il perturbe fréquemment les plans myo-fasciaux [190].
3) Neurofibromes
Les neurofibromes sont généralement de petites tumeurs rondes ou fusiformes qui enveloppent plutôt que de déplacer les racines nerveuses.Ils apparaissent en iso-signal T1 et, en hypersignal T2. La prise de contraste est homogène et le plus souvent intense.
Il n'y a pas de caractéristiques de différenciation claires entre le schwannome et le neurofibrome par IRM.
Le neurofibrome plexiforme se manifeste souvent par une grosse masse de tissus mous avec un aspect de « sac de vers ». Lorsque des masses plus importantes sont longtemps en contact avec une marge osseuse, un festonnage dû à l'érosion peut être noté.
Un ganglioneurome intra-rachidien rare avec une morphologie en haltère et un hypersignal T2 peut avoir un aspect IRM similaire [190].
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